Traitement de l'instabilité rotulienne

 Docteur Vincent Chassaing (Paris)

Date de dernière modification de la page : 23/10/2013

 

La luxation de la rotule survient à l'improviste et constitue un accident douloureux et impressionnant, surtout lorsqu'il survient pour la première fois. On se retrouve avec un genou déformé (avec une bosse sur le côté), douloureux et bloqué. Il faut chercher à réduite cette luxation, soi-même, ou en se faisant aider par son entourage. Il suffit habituellement d'allonger doucement et progressivement le genou, pour que la rotule revienne subitement à sa place lorsque lorsque le genou se rapproche de l'extension complète, éventuellement en facilitant cette réduction en poussant la rotule vers le genou, en même temps qu'on allonge le genou. Facile à dire, pas toujours facile à réaliser ! En cas de réduction impossible, il faut aller aux urgences, où le médecin pourra réduire la luxation.

La répétition ultérieure éventuelle de luxations constitue ce qu'on appelle la luxation récidivante ou instabilité rotulienne.

 

Traitement chirurgical de l'instabilité rotulienne

La correction chirurgicale des affections rotuliennes concerne essentiellement l'instabilité de la rotule. Il importe de déterminer la ou les anomalies à l'origine de cette instabilité pour guider le traitement chirurgical. Il est commode de les regrouper en anomalies osseuses et en anomalies des parties molles.

Anomalies osseuses :

- dysplasie de la trochlée [1] : dans l'instabilité de la rotule c'est une anomalie fréquente , congénitale, de la forme de la trochlée fémorale. Il s'agit d'une trochlée plate parfois même convexe et saillante (2) au lieu d’être concave (1). Elle ne retient plus la rotule qui peut alors glisser latéralement et se luxer.

- anomalie de position de la tubérosité tibiale antérieure : c’est ce que l’on observe lorsque cette tubérosité tibiale antérieure, sur laquelle s’attache le tendon rotulien, est en position trop externe. Il en résulte une angulation entre l’axe de la traction musculaire sur la rotule, et l’axe du tendon rotulien, ce qui tend à attirer la rotule vers l’extérieur.

Anomalies des parties molles :

- Facteurs capsulo-ligamentaires. La rotule est maintenue en bonne place dans la trochlée par deux « ligaments » bien particuliers appelés aileron rotulien interne et aileron rotulien externe. La rupture ou distension de l’aileron rotulien interne, appelé également MPFL [2-3](Medial Patello Femoral Ligament) qui s’oppose au déplacement vers l’extérieur de la rotule et la rétraction de l’aileron rotulien externe qui attire cette rotule en dehors, peuvent être à l’origine de l’instabilité de la rotule.

 

Nous rattachons à ces facteurs ligamentaires la rotule trop haute : elle est due à un tendon rotulien trop long, avec pour conséquence une rotule située à distance de la trochlée , lorsque le genou est étendu. Il en résulte une perte du guidage initial de la rotule par la trochlée, à l’origine d’une instabilité et de douleurs.

- Facteurs musculaires. Le muscle quadriceps (et en particulier le vaste interne) maintient en place la rotule. La faiblesse de ce muscle peut favoriser une instabilité de la rotule ou être à l’origine d’un syndrome douloureux.

 

LA CORRECTION DES ANOMALIES OSSEUSES

  · La transposition inférieure de la tubérosité tibiale antérieure est un geste osseux qui a pour but d’abaisser une rotule trop haute. Elle se fait en détachant la tubérosité tibiale antérieure , et en la vissant plus bas.

 

 

 

 

· La transposition interne de la tubérosité tibiale antérieure réduit une latéralisation excessive de la tubérosité tibiale antérieure en la détachant et en la déplaçant plus en dedans.

 
QDSD

 

· La trochléoplastie (creusement [4] ou enfoncement [5] de la trochlée) : elle a pour but l’amélioration de la stabilité de la rotule en creusant une trochlée plate pour donner à la rotule qui vient s’y appliquer une meilleure stabilité, ou en l'enfonçant pour la rendre moins saillante . Ce geste, efficace sur la stabilisation de la rotule, a des indications plus rares, réservées aux importantes dysplasies de la trochlée.

 

LA CORRECTION DES ANOMALIES DES PARTIES MOLLES

. Reconstruction du MPFL (Ligament Fémoro-Patellaire Médial). Introduite et pratiquée par le Dr Chassaing [6-7] depuis 1995, cette technique est de plus en plus utilisée depuis quelques années. Le but de ce traitement est de reconstituer solidement ce ligament rompu pour empêcher le déplacement latéral de la rotule et sa luxation. La simple suture n'étant pas suffisante, le chirurgien utilise une greffe en prélevant, au niveau du genou, le tendon d'un muscle ischio-jambier (droit interne ou demi-tendineux) qu'il tend entre la rotule et le fémur, en le fixant aux endroits précis où était attaché le ligament fémoro-patellaire.

A ce geste peut être associé une section de l’aileron rotulien externe [8]qui a pour but de diminuer l’attraction de la rotule vers l’extérieur

 

La technique chirurgicale pour traiter une instabilité rotulienne fait appel à un ou plusieurs de ces "gestes chirurgicaux". Elle diffère d'un cas à l'autre en fonction :

- des habitudes et de l'expérience de chaque chirurgien,
- des causes précises de l'instabilité, variables d'un genou à l'autre. L'analyse de ces causes nécessite un examen clinique du genou par le chirurgien, complété par des examens complémentaires (radiographies, scanner, IRM)

 

 INDICATIONS DU TRAITEMENT CHIRURGICAL

Ces indications sont tout à fait différentes suivant qu’il s’agit de rotules douloureuses ou de rotules instables.

Dans les rotules douloureuses, il n’y a pas, sauf exception, d’indications chirurgicales. Toute intervention risque en effet d’être inefficace ou même d’aggraver la symptomatologie ... C’est dire l’importance de la prise en charge médicale.

Dans les rotules instables, en revanche, le recours à la chirurgie peut être justifié. L’indication chirurgicale dépend de plusieurs facteurs :

- le nombre de luxations : c’est en effet la répétition des accidents d’instabilité qui va conduire à la chirurgie, en sachant qu’il n’y a pas, habituellement, de nécessité d’intervention au décours de la première luxation.

- le souhait du patient : faut-il opérer après la deuxième, la troisième luxation etc... ? Il n’y a aucune règle. Certes la répétition des luxations entraîne un risque cartilagineux rotulien, mais la décision de l’intervention dépend essentiellement de l’importance de la gêne fonctionnelle ressentie, et du souhait du patient d’être soulagé. En matière de pathologie rotulienne il faut se méfier des indications uniquement préventives avec le but de protéger le cartilage, car cette protection par la stabilisation chirurgicale n’est pas prouvée...

- l’âge peut intervenir lorsqu’il s’agit de sujet en période de croissance : les gestes osseux sont alors contre-indiqués, mais les interventions sur les parties molles restent possibles. Aussi une stabilisation rotulienne peut être envisagée chez un enfant si la répétition des accidents d’instabilité le nécessite.

  En pratique

Les suites d'une intervention de stabilisation de la rotule sont habituellement simples. Les délais d'hospitalisation, de reprise de l'appui, les modalités post-opératoires (cannes, immobilisation du genou par attelle, rééducation...) dépendent des gestes chirurgicaux pratiqués.

La reprise des activité professionnelles est variable : de 1 mois à 4 mois en moyenne, en fonction de la profession et de la chirurgie,

Le délai de reprise des activités sportives est également variable, de l'ordre de 4 à 6 mois.

Les résultats sont bons, en dehors du risque des complications de la chirurgie du genou. On peut espérer un excellent taux de réussite (95%) sur la stabilisation de la rotule. Les résultats sur la douleur sont un peu moins bons, avec possibilité de douleurs résiduelles, en particulier aux changements de temps.

 

 

Quelques références bibliographiques

1 - DEJOUR H., WALCH G., ADELEINE P., NEYRET P. : La dysplasie de la trochlée fémorale. Rev. Chir. orthop., 1990,, 1, 45-54
2 - ROUVIÈRE H. : Anatomie humaine, Masson, Paris, 1962, 6è Edition, 304
3 - FELLER J.A., FEAGIN J.A., GARRETT W.E. : The medial patellofemoral ligament revisited : an anatomical study. Knee Surg. Sports Traumatol, Arthroscopy, 1993, 1, 184-186
4 - DEJOUR D. La trochléoplastie creusement Maîtrise Orthopédique août-septembre 2008 N°176
5 - THAUNAT M., BESSIERE C., PUJOL N., BOISRENOULT P., BEAUFILS P. Recession wedge trochleoplasy as an additional procedure in the surgical treatment of patella instability with major trochlear dysplaisa : Early results. Orthop Traumatol Surg Res 2011; 97, 8, 833-845
6 - CHASSAING V., PERRAUDIN J.E. Stabilisation arthroscopique et percutanée de la rotule  Annales Orthopédiques de l’Ouest, volume 27, pages 37-40, 1995
7 - V. CHASSAING, J. TREMOULET Plastie du ligament fémoro-patellaire médial avec le tendon du gracile pour stabilisation de la patella  Revue de Chirurgie Orthopédique 2005, 91, 335-340
8- DANDY D.J., GRIFFITHS D.: Lateral release for recurrent dislocation of the patella. J. Bone Joint Surg. (Br), 1989, 71, 121-125.

Retour