Traitement de l'instabilité rotulienne

 Docteur Vincent Chassaing (Paris)

 

Une première luxation rotulienne peut être traitée médicalement. En effet si une bonne rééducation est entreprise et la musculature entretenue, d'autres luxations peuvent être évitées et l'opération ne sera pas nécessaire.

La luxation vue en urgence doit être immobilisée, la réduction de la luxation est rarement nécessaire en milieu médicale, le blessé ou les "sauveteurs" ont la plupart du temps remis la rotule en place. Une genouillère rotulienne est suffisante. La ponction du genou a l'intérêt de soulager le blessé et de reprendre une marche normale rapidement. La rééducation est débutée les jours suivants. Le traitement chirurgical ne doit pas être envisagé en urgence. C'est la survenue de nouveaux accidents de luxation qui conduira au traitement chirurgical.

 

Traitement chirurgical de l'instabilité rotulienne

La correction chirurgicale de la rotule instable nécessite souvent plusieurs gestes associés. Il est commode de les regrouper en gestes effectuant une correction des anomalies osseuses et en gestes effectuant une correction des anomalies des parties molles.

Anomalies osseuses :

- dysplasie fémoro-patellaire : il s’agit d’une anomalie, congénitale, de la forme de la rotule et de la trochlée fémorale. La trochlée est plate (shéma 2)au lieu d’être normalement concave (shéma 1), et ne retient plus la rotule qui peut alors glisser latéralement.

- anomalie de position de la tubérosité tibiale antérieure : c’est ce que l’on observe lorsque cette tubérosité tibiale antérieure, sur laquelle s’attache le tendon rotulien, est en position trop externe. Il en résulte une angulation entre l’axe de la traction musculaire sur la rotule, et l’axe du tendon rotulien, ce qui tend à attirer la rotule vers l’extérieur.

 

Anomalies des parties molles :

Facteurs capsulo-ligamentaires. La rotule est maintenue en bonne place dans la trochlée par deux « ligaments » bien particuliers appelés aileron rotulien interne et aileron rotulien externe. La distension de l’aileron rotulien interne qui s’oppose au déplacement vers l’extérieur de la rotule et la rétraction de l’aileron rotulien externe qui attire cette rotule en dehors peuvent être à l’origine de l’instabilité de la rotule.

Nous rattachons à ces facteurs ligamentaires la rotule trop haute : elle est due à un tendon rotulien trop long, avec pour conséquence une rotule située à distance de la trochlée , en extension du genou. Il en résulte une perte du guidage initial de la rotule par la trochlée , à l’origine d’une instabilité et de douleurs.

- Facteurs musculaires. Le muscle quadriceps (et en particulier le vaste interne) maintient en place la rotule. La faiblesse de ce muscle peut favoriser une instabilité de la rotule ou être à l’origine d’un syndrome douloureux.

 

LA CORRECTION DES ANOMALIES OSSEUSES

  · La transposition inférieure de la tubérosité tibiale antérieure a pour but d’abaisser une rotule trop haute. Elle se fait en détachant la tubérosité tibiale antérieure , et en la vissant plus bas.

· La transposition interne de la tubérosité tibiale antérieure réduit une latéralisation excessive de la tubérosité tibiale antérieure en la détachant et en la déplaçant plus en dedans. C’est un geste chirurgical très, et probablement trop, pratiqué. Il peut être responsable de douleurs résiduelles au niveau de la tubérosité tibiale antérieure, gênant en particulier la position à genoux, incomplètement soulagées par l’ablation fréquemment nécessaire de la vis. Aussi, nous pensons qu’il est souvent possible d’éviter cette opération et nous la réservons aux cas d’anomalies importantes de la position de la tubérosité tibiale antérieure

 

· La trochléoplastie (creusement de la trochlée) : elle a pour but l’amélioration de la stabilité de la rotule en creusant une trochlée plate pour donner à la rotule qui vient s’y appliquer une meilleure stabilité. Ce geste, efficace sur la stabilisation de la rotule, risque cependant d’entraîner des séquelles douloureuses. Ses indications sont rares.

 

LA CORRECTION DES ANOMALIES DES PARTIES MOLLES

 -La section de l’aileron rotulien externe a pour but de diminuer l’attraction de la rotule vers l’extérieur. Elle peut être effectuée sous arthroscopie. Elle est de moins en moins utilisée de façon isolée : elle est en effet insuffisante dans les instabilités, et elle paraît peu efficace dans les syndromes rotuliens douloureux.

-Le transfert du muscle vaste interne est rarement utilisé de façon isolée, car il a été responsable d’un taux de récidive trop important. Mais cette plastie du vaste interne est souvent utilisée en association à d’autres gestes de retension interne.

- La suture en paletot de l’aileron rotulien interne constitue la technique essentielle de stabilisation rotulienne. Elle consiste à sectionner cet aileron interne, qui maintient la rotule en dedans, et à le tendre en le suturant « en paletot ». Mais le risque de cette intervention est la distension secondaire avec récidive de l’instabilité.

- Ces différents gestes peuvent être associés (2 et 3), avec :

- une section de l'aileron rotulien externe, possible par arthroscopie,r

- une suture en paletot de l'aileron rotulien interne par une petite incision,

- et un renforcement de la solidité de cette suture par un tendon prélevé sur le même genou (tendon du droit interne) pour diminuer le risque de distension secondaire.

Il est possible de faire cette intervention par de petites incisions, réduisant ainsi le préjudice esthétique en rapport avec la dimension des cicatrices.

 

 INDICATIONS DU TRAITEMENT CHIRURGICAL

Ces indications sont tout à fait différentes suivant qu’il s’agit de rotules douloureuses ou de rotules instables.

Dans les rotules douloureuses, il n’y a pas, sauf exception, d’indications chirurgicales. Toute intervention risque en effet d’être inefficace ou même d’aggraver la symptomatologie ... C’est dire l’importance de la prise en charge médicale.

Dans les rotules instables, en revanche, le recours à la chirurgie peut être justifié. L’indication chirurgicale dépend de plusieurs facteurs :

- le nombre de luxations : c’est en effet la répétition des accidents d’instabilité qui va conduire à la chirurgie, en sachant qu’il n’y a pas, pour nous, de nécessité d’intervention au décours de la première luxation.

- le souhait du patient : faut-il opérer après la deuxième, la troisième luxation etc... ? Il n’y a aucune règle. Certes la répétition des luxations entraîne un risque cartilagineux rotulien, mais la décision de l’intervention dépend essentiellement de l’importance de la gêne fonctionnelle ressentie, et du souhait du patient d’être soulagé. En matière de pathologie rotulienne il faut se méfier des indications uniquement préventives avec le but de protéger le cartilage, car cette protection par la stabilisation chirurgicale n’est pas prouvée...

- l’âge peut intervenir lorsqu’il s’agit de sujet en période de croissance : les gestes osseux sont alors contre-indiqués, mais les interventions sur les parties molles restent possibles. Aussi une stabilisation rotulienne peut être envisagée chez un enfant si la répétition des accidents d’instabilité le nécessite.

  En pratique

Les suites d'une intervention de stabilisation de la rotule, en dehors du risque, faible, de complications, sont habituellement simples :

- hospitalisation de 4 à 8 jours,

- pas d'immobilisation plâtrée post-opératoire. Le genou est laissé libre ou maintenu par une attelle amovible,

- la marche avec appui, sous couvert de cannes, est habituellement autorisée précocément,

- la rééducation peut être entreprise assez tôt. Elle se poursuit le plus souvent pendant 6 à 8 semaines, en centre de rééducation, ou chez un kinésithérapeute proche de son domicile, à raison d'une séance par jour,

- la reprise des activité professionnelles est variable : de 1 mois à 4 mois en moyenne, en fonction de la profession,

- le délai de reprise des activités sportives est également variable, de l'ordre de 4 à 6 mois.

Les résultats sont bons, malgré la persistance possible de quelques douleurs résiduelles, en particulier lors des changements de temps. On peut espérer un excellent taux de réussite (95%) sur la stabilisation de la rotule.

( 90% de réussite ) en ce qui concerne la stabilité obtenue de la rotule. Les résultats sur la douleur sont un peu moins bons, avec possibilité de douleurs résiduelles, en particulier aux changements de temps.

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