Le but de cette page est de fournir une approche du genou suffisamment claire pour être facilement utilisable dans une pratique médicale quotidienne.
Vincent Chassaing Chirurgien orthopédiste
Date de dernière modification de la page : 24/09/2007
____La première prise en charge d’un problème de genou concerne habituellement le médecin généraliste. Son rôle est donc important dans la recherche du diagnostic, la mise en route d’un traitement et la décision d’un éventuel recours au spécialiste.
____Comme d’habitude en médecine, le diagnostic est essentiel. Il repose sur les données de l’interrogatoire, de l’examen clinique et des examens complémentaires. C’est la recherche de ce diagnostic qui va être le fil conducteur de la consultation. Il faut rapidement essayer d’émettre des hypothèses diagnostiques de façon à orienter l’interrogatoire et l’examen clinique. La conduite de l’examen en sera modifiée, et ne sera pas la même par exemple pour un sujet jeune qui vient d’être victime d’une entorse au cours d’un match de foot, ou pour un patient âgé, douloureux depuis de nombreuses années.
_L’interrogatoire ____Comme lors de tout interrogatoire, il faut commencer par s’enquérir des antécédents du genou lésé, mais également de l’autre genou : la notion d’une pathologie du genou opposé peut en effet être un élément d’orientation diagnostique utile.
____Après avoir relevé l’âge, les activités physiques et sportives, l’interrogatoire fait préciser le ou les troubles à l’origine de la consultation. Il y en a quatre : la douleur, l’instabilité, le gonflement et le blocage. Quel qu’il soit, il convient tout d’abord de noter :
__La douleur
____C’est la manifestation le plus souvent rencontrée, et c’est une cause fréquente de consultation. Sa localisation est importante et peut orienter rapidement le diagnostic : une douleur antérieure, éventuellement associée à une douleur postérieure peut être d’origine rotulienne. Une douleur latérale, interne ou externe doit faire recherche en premier une éventuelle lésion méniscale, une arthrose fémoro-tibiale...
___ __L’instabilité
Elle se caractérise par la survenue d’accidents d’instabilité, ou par une sensation d’instabilité ressentie par le patient. Bien que de signification différente, on peut en rapprocher les dérobements du genou, en particulier à la descente des escaliers. Une instabilité oriente le diagnostic vers une étiologie ligamentaire. Les dérobements sont plutôt d’origine musculaire ou rotulienne.
___ __Le gonflement
Le gonflement du genou est habituellement remarqué par le patient d’autant qu’il peut être à l’origine d’une gêne douloureuse. Il est bien entendu en rapport avec un épanchement, le plus souvent synovial. Sa présence traduit une réaction inflammatoire du genou, dont il convient de rechercher la cause.
___ __Le blocage
____Moins fréquent et très caractéristique est le vrai blocage, du à une cause mécanique intra articulaire : anse de seau méniscale, corps étranger libre dans l’articulation. C’est l’impossibilité à étendre le genou, alors que la flexion reste possible. Il faut le faire décrire de façon précise par le patient et le différencier ainsi de « faux » blocages : il arrive en effet que le patient ne puisse plus ni fléchir ni étendre son genou, ou qu’il reste « bloqué » en extension complète. Ces faux blocages sont davantage évocateurs d’une étiologie rotulienne que méniscale.
L’examen ____L’examen d’un genou peut être réduit à la recherche d’un très petit nombre de signes, à condition qu’ils soient significatifs, que leur choix soit modulé par l’hypothèse diagnostique déjà fournie par l’interrogatoire, et que le médecin en ait une bonne pratique. Il n’est donc pas question de fournir ici une liste complète des différents signes qui ont pu être décrits. L’idéal serait de retenir un seul bon signe par pathologie, comme par exemple la douleur à la palpation de l’interligne pour évoquer une affection méniscale, le signe de Lachman pour affirmer le diagnostic de rupture du ligament croisé antérieur.
____Le patient doit enlever chaussures et pantalon de façon à permettre un examen bilatéral comparatif. Il est installé confortablement sur la table d’examen en décubitus dorsal. Il faut qu’il soit suffisamment relâché en reposant en totalité sur cette table, y compris ses talons qui ne doivent pas dépasser.
___ ___L’inspection
____Un conseil : commencez par vous installer en bout de table, empaumez les deux talons pour soulever légèrement les deux membres inférieurs, et regardez les deux genoux, de façon comparative. Que pouvez-vous noter par cette seule inspection ? beaucoup de choses :
- l’axe des deux membres inférieurs, à la recherche d’une déviation en varus ou en valgus par rapport au côté opposé,
- l’extension du genou : est-elle complète, identique à celle du genou sain et dans ces cas les deux genoux sont exactement au même niveau, ou existe-t-il un flessum ou un récurvatum,
- un gonflement éventuel, témoignant d’un épanchement, que confirmera ensuite la recherche du choc rotulien,
- une amyotrophie quadricipitale, et en particulier du vaste interne, témoin précoce d’un dysfonctionnement du genou.
___ __La palpation
____Elle permet d’apprécier la mobilité, les douleurs et la stabilité.
____Mobilité ____Elle est notée en précisant l’extension et la flexion complète, les chiffres normaux étant 0°, 140°. Il est utile de vérifier également la bonne mobilité de la hanche sus-jacente, car l’existence d’une gonalgie, simple irradiation douloureuse d’un coxopathie, est un piège diagnostique.
____Douleurs ____La recherche de douleurs à la palpation est un temps important. Elle sera d’autant plus significative que ces douleurs rappellent au patient ses douleurs spontanées.
___Il faut tout d’abord se laisser orienter par la localisation indiquée par le patient et palper cet endroit.
____La palpation de l’interligne fémoro-tibial interne et externe doit être systématique. Le repérage de l’interligne se fait sur le genou fléchi, en commençant par sa partie antérieure, plus facile à trouver où l’on sent une dépression située entre condyle et plateau tibial. Le doigt appuie sur l’interligne tout en le suivant vers l’arrière.
____Au dessus de l’interligne on peut palper la face sous-cutanée des condyles, zone d’insertion des ligaments latéraux. Au dessous c’est, au niveau de la face interne du tibia, la région de la patte d’oie.
____La palpation de la rotule, sur un genou en extension complète, peut déclencher des douleurs, en particulier à la palpation de sa facette articulaire interne, le doigt recourbé en crochet soulevant son bord interne.
____Stabilité
____Stabilité rotulienne : en saisissant la rotule au niveau de ses bords interne et externe, il est possible d’apprécier sa stabilité latérale, la rotule pouvant être plus ou moins mobile transversalement. La poussée de cette rotule vers l’extérieur peut parfois déclencher une appréhension de la part du patient qui craint de se luxer la rotule. Ce signe d’appréhension (signe de Smilie) est très évocateur d’une instabilité rotulienne,
____Stabilité du genou : l’étude de la stabilité est un temps fondamental dans l’examen du genou. Elle explore les ligaments latéraux et les ligaments croisés. Peu de signes sont nécessaires, mais il faut les rechercher de façon comparative sur les deux genoux.
- les ligament latéraux : le genou soutenu et maintenu en légère flexion (pour détendre la capsule postérieure) par une main sous le creux poplité, l’autre main empaumant le talon, imprime des mouvements de latéralité en valgus (recherche d’une laxité interne) et en varus (recherche d’une laxité externe).
- les ligaments croisés : un ligament, un signe !
· Ligament croisé antérieur : le signe de Lachman est suffisant à lui seul pour faire le diagnostic de rupture de ce ligament. C’est le tiroir antérieur du tibia par rapport au fémur, recherché sur un genou en légère flexion. Une main au dessus du genou maintient solidement la cuisse en la soulevant un peu pour fléchir le genou. L’autre main empaume la jambe et lui imprime des mouvements antéro-postérieurs. On constate une amplitude exagérée du déplacement antérieur de la jambe par rapport à la cuisse. Cette manoeuvre doit être répétée sur l’autre genou, sur un sujet bien relâché avec des talons qui reposent sur la table d’examen, sans la dépasser. · Ligament croisé postérieur : c’est la recherche du tiroir postérieur sur un genou fléchi à 90°, qui permet d’affirmer le diagnostic. Ce diagnostic est facile à condition d’y penser car c’est une atteinte peu fréquente, que l’on observe rarement après un accident de sport, mais le plus souvent à la suite d’un accident de la voie publique, en particulier de deux roues.
Examens complémentaires ____En dehors d’un éventuel bilan biologique lorsqu’une étiologie rhumatismale est évoquée, et d’une analyse du liquide de ponction du genou, les examens complémentaires sont représentés par l’imagerie : radiographie, scanner, IRM (imagerie à résonance magnétique). Le choix de cette imagerie dépend bien évidemment de l’hypothèse diagnostique.
___ __Radiographies
____Un examen radiographique standard doit être systématique et constitue le premier temps de ce bilan. L’arrivée de technologies de pointe comme l’IRM ne permet pas de ce dispenser de ces simples radiographies.
____Quels clichés demander d’emblée ? Trois sont suffisants :
- une radiographie de face, en position de schuss, c’est à dire avec une vingtaine de degrés de flexion. Cette incidence en schuss est fondamentale et doit être systématiquement demandée : c’est elle en effet qui renseigne le mieux sur une éventuelle arthrose en montrant un pincement fémoro-tibial qui souvent n’est pas visible sur le cliché de face en extension complète, même s’il est pris en appui. - une radiographie de profil, dont la qualité se juge à la bonne superposition postérieure des condyles fémoraux.
- une incidence fémoro-patellaire, sur un genou peu fléchi, à 30°.
___ __Scanner
____La prescription d’un scanner est le plus souvent faite par le spécialiste, habituellement lors du bilan préopératoire, dans un but très précis : étude osseuse plus poussée, obtention de certaines mesures anatomiques en vue d’une correction chirurgicale, arthroscanner pour mieux visualiser le cartilage, en particulier de la rotule ...
L'arthroscanner est de plus en plus utilisé, car il donne des renseignements très utiles sur l'état du cartilage (ulcérations, chondropathies, usure....) et sur l'état des ménisques. Il tend à remplacer l'examen suivant, l'arthrographie
___ __Arthrographie
____Cette radiographie du genou avec injection intra-articulaire de produit de contraste a été pendant longtemps le seul moyen d’affirmer une lésion méniscale. Elle a cédé beaucoup de terrain à l’IRM, et à l'arthroscanner. Aspect d'une fissure intra méniscale en arthrographie
___ __IRM
L’IRM connaît une essor spectaculaire et justifié, du à la variété et à la qualité des renseignements qu’elle fournit sur :
- l’os, permettant de découvrir une atteinte osseuse invisible sur les radiographies,
- les ligaments en apportant des images formelles de rupture,
- les ménisques,
- les tendons, en particulier au niveau du tendon rotulien où une tendinite peut être dépistée,
- la synoviale,
- et enfin sur toutes les parties molles péri-articulaires.
Anse de seau du ménisque interne ( 1: ménisque périphérique restant, 2 : anse de seau luxée dans l'échancrure) Aspect de tendinite rotulienne
Conclusion ____Au terme de ce bilan, que le diagnostic soit fait ou non, le recours à un spécialiste dépend essentiellement des motivations du patients. Celles-ci sont fonctions de nombreux paramètres : importance de la douleurs ou de la gêne fonctionnelle surtout, retentissement sur la vie quotidienne ou sportive, durée d’évolution, personnalité du patient, en particulier son degré d’inquiétude concernant l’état de son genou, le choix du traitement ou une éventuelle incertitude diagnostique…
____En dehors du genou traumatique récent, il n’y a en effet pas d’urgence à traiter ou opérer. C’est l’importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle qui va guider le choix et la rapidité des décisions thérapeutiques. Et il faut éviter toute chirurgie effectuée uniquement à titre préventif.
____Vous venez, par exemple, de faire le diagnostic de lésion méniscale ; mais si, quand vous revoyez votre patient, il n’est plus gêné, l’intervention peut alors tout à fait attendre : cette attente n’a pas d’autres conséquences que l’aggravation possible de la symptomatologie, au pire la survenue d’un blocage (ce qui est rare), justifiant alors la méniscectomie arthroscopique. Un autre exemple est représenté par l’arthrose. Là aussi, quels que soient les énormes progrès des prothèses du genou devenues aussi fiables que les prothèses de hanche, l’indication opératoire dépend encore des motivations du patient, à condition bien sûr que la déformation de l’axe du genou n’atteigne pas un stade qui risquerait de compliquer la chirurgie et ses résultats.
Les douleurs de rotule ____Les douleurs de rotule sont tellement fréquentes, qu’elles justifient un chapitre à part. Elles sont réunies sous la dénomination de syndrome fémoro-patellaire ou syndrome rotulien. Elles se manifestent le plus souvent chez les jeunes, en particulier chez les filles adolescentes. La symptomatologie en est décrite sur le site.
____Quelques notions sont importantes à retenir :
- il peut exister un terrain psychologique favorisant : anxiété, conflits familiaux etc...
- les douleurs sont souvent bilatérales
- l’examen clinique et radiologique est normal,
- il faut rassurer complètement le patient sur l’avenir de son genou : malgré l’existence de douleurs volontiers tenaces, il n’y a aucun risque de détérioration ultérieure du genou, en particulier aucun risque de survenue d’arthrose. « J’ai tellement mal maintenant, alors que je suis jeune, qu’est ce que cela va être plus tard ! » est une inquiétude fréquemment exprimée,
- il n’y a pas de traitement chirurgical valable,
- il n’y a pas non plus de traitement médical, antalgique ou anti inflammatoire efficace,
- l’essentiel du traitement est représenté par le renforcement musculaire de la rotule. Cela signifie non seulement de la rééducation du quadriceps et du vaste interne, mais également la poursuite des activités sportives. Ne mettez surtout pas ces patients au repos complet, cela aggraverait leurs douleurs ! Le choix des sports à pratiquer doit être guidé par le déclenchement de douleurs qu’il faut éviter. De même la rééducation doit être indolore.
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____Avec une certaine habitude vous réduirez la nécessité du recours à un spécialiste, ou vous lui adresserez votre patient avec déjà un diagnostic. Mais en cas de difficultés, n’hésitez pas non plus à faire appel à lui, qu’il s’agisse du rhumatologue, du médecin du sport ou du chirurgien orthopédiste. Et pourquoi ne pas lui demander également d’assister à une de ses consultations ? C’est encore le meilleur moyen de se familiariser avec le genou.