Les cicatrices sur le genou

Date de dernière modification de la page : 18/10/2005


Dr Jérôme Lemoine


Après une intervention chirurgicale la trace extérieure visible est la cicatrice. Elle varie selon sa localisation, le type d'intervention pratiquée, la technique utilisée, le site opératoire, d'éventuelles complications et selon certaines particularités liées au patient.


Définition :
Les mécanismes de cicatrisation sont extrêmement complexes. Il s'agit de l'ensemble des phénomènes aboutissant à la fermeture de la plaie opératoire. La réparation tissulaire est divisée en trois phases qui se chevauchent partiellement :
la phase inflammatoire, la phase proliférative, la phase de maturation.
Les cicatrices sont inévitables, définitives et indélébiles. Le chirurgien doit essayer de les rendre les plus discrètes possibles. Sauf si elle est très superficielle, toute plaie, toute brûlure, toute incision chirurgicale, toute infection, toute lésion qui détruit le derme, laissera une cicatrice définitive et indélébile.
Même la chirurgie esthétique laisse des cicatrices, et il est actuellement impossible de faire disparaître une cicatrice, y compris par le laser ou par la chirurgie esthétique. Mais il est toutefois possible d'améliorer l'aspect d'une cicatrice inesthétique dans certains cas.

KKEvolution :
La cicatrisation est un processus qui évolue pendant plusieurs mois.

- Aspect de la cicatrice :

1- Généralités :
Avant même de pouvoir juger de l'aspect définitif d'une cicatrice, et de la considérer comme stable, il faut attendre au moins 6 à 12 mois, car la cicatrisation de la peau est un processus long. Elle évolue pendant plusieurs mois. Immédiatement après l'ablation des fils, la cicatrice est habituellement belle, fine, linéaire. Mais dans les 4 à 8 semaines qui suivent, elle devient progressivement dure, rouge, légèrement boursouflée, et elle s'accompagne parfois de démangeaisons. Ce stade " hyperplasique " initial, parfaitement normal, passe par un maximum d'intensité variable vers le premier ou le deuxième mois. Ce n'est qu'après ce délai qu'elle commence à blanchir, à ne plus démanger, à s'aplatir et à s'assouplir, pour prendre progressivement son aspect définitif et stable au bout d'un an environ (parfois plus, parfois moins). L'évolution se termine alors en laissant une cicatrice définitive et indélébile, plus ou moins discrète, normalement souple, blanche, insensible et indolore. Il n'existe jamais de poils ni de glandes sudoripares dans une cicatrice. Avec du temps le résultat s'améliore généralement. Actuellement aucune crème, aucune pommade, aucun produit, aucun procédé n'a fait les preuves de son efficacité pour accélérer le processus de la cicatrisation ou pour améliorer l'aspect d'une cicatrice normale, en dehors peut-être des massages dans certains cas.
En fait, l'aspect définitif d'une cicatrice est imprévisible. Le seul paramètre que le chirurgien contrôle est la méthode de suture, qui doit évidemment s'efforcer de laisser le moins de traces possibles. Mais la cicatrice, qui ne pourra être définitivement jugée qu'au bout de 6 à 12 mois, résultera de facteurs multiples et incontrôlables car inconnus.
Habituellement, certaines régions du corps cicatrisent de façon très discrète, en laissant des traces très fines. C'est souvent le cas des paupières et des joues. Dans d'autres régions du corps, telles que le dos ou les genoux, il existe des tensions importantes de la peau lors des mouvements et de la rééducation, et les cicatrices y sont parfois larges, malgré toutes les précautions prises lors de la suture. De façon générale, quel que soit la région du corps, et en l'absence de complications, il est possible d'observer sur une même cicatrice des zones fines qui alternent de façon incompréhensible avec des zones plus ou moins élargies ou boursouflées.

2- Résistance de la cicatrice :
La matrice extracellulaire va progressivement être remodelée dans les deux mois qui suivent la fermeture de la plaie. La maturation secondaire se poursuit de nombreux mois, parfois pendant deux ans avec une diminution progressive du tissu de granulation, l'élaboration d'une structure collagénique plus dense et l'organisation du réseau vasculaire.
A partir du 21ème jour, la contraction de la plaie est terminée. La plaie est " cicatrisée ". Elle peut être mouillée, les douches puis les bains sont autorisés. Cependant, si le contenu en collagène est maximal à ce moment, la résistance de la cicatrice ne correspond qu'à 15 % de celle d'une peau normale. La maturation progressive de la cicatrice permet d'accroître cette résistance jusqu'à 80 voire 90 % de la force initiale à la sixième semaine. Ces zones cicatricielles resteront cependant moins résistantes et moins élastiques qu'une peau normale. Ceci s'explique par un déficit relatif en élastine et par la relative désorganisation de la nouvelle matrice extracellulaire.

3- Les précautions : le soleil :
Que la cicatrice résulte d'une suture ou qu'elle résulte de l'évolution spontanée d'une plaie, elle doit absolument être protégée du soleil pendant tout le temps que dure son évolution, c'est à dire tant qu'elle est rouge ou rose, ce qui peut prendre de 6 mois à parfois 3 ans selon les cas. Car une cicatrice fraîche peut bronzer ; et si elle bronze, sa pigmentation sera définitive, ce qui est inesthétique sur une peau qui a débronzé. La protection solaire doit donc se faire par tous les moyens possibles :
" éviter l'exposition au soleil,
" porter des vêtements qui cachent la cicatrice,
" et, plutôt que de cacher la cicatrice avec un pansement, la recouvrir avec une crème solaire écran total en cas d'exposition directe inévitable. Renouveler cette crème toutes les 2 heures.

La volonté du chirurgien de faire une belle cicatrice, de laisser une marque la moins visible possible a un rôle très important dans le résultat esthétique. Il choisit en fonction de l'intervention la taille de la cicatrice, la méthode de suture cutanée mais certains facteurs lui échappent. Le poids, le caractère programmé ou non de l'intervention modifient le résultat définitif.


- Facteurs influençant la cicatrice, liés à la chirurgie :

A- Technique chirurgicale :
Si la taille de la cicatrice a une limite en dessous de laquelle il n'est pas possible de travailler convenablement pour réaliser l'intervention prévue il faut essayer de s'en approcher. Une cicatrice de taille limitée en diminuant le traumatisme opératoire améliore aussi les suites opératoires.
Au niveau du genou certaines interventions ne nécessitent plus les grandes cicatrices d'autrefois. C'est le cas des ligamentoplasties pour réparation du ligament croisé antérieur. L'utilisation des techniques modernes arthroscopiques a considérablement réduit la taille des incisions car il n'est plus nécessaire " d'ouvrir " le genou pour visualiser et réaliser l'intervention. D'autres interventions nécessitent toujours des techniques classiques. Les prothèses par exemple gardent des cicatrices importantes même si les résultats ont considérablement progressé depuis les premières poses.
La localisation de la cicatrice sur le genou aussi son importance. La peau a un rôle et des qualités différentes selon sa situation. La peau antérieure en avant de la rotule et du tendon rotulien est épaisse, elle est soumise à de fortes variations entre la flexion et l'extension, elle doit résister aux contraintes importantes de la position à genoux par exemple. La peau des faces latérales de l'articulation est plus fine, moins exposée. L'aspect final de la cicatrice pourra être différent du fait des contraintes imposées à la peau. La rééducation a par exemple un rôle. La traction sur une cicatrice antérieure au cours des mouvements sera plus forte que pour une cicatrice située latéralement.

B- Méthode de suture cutanée :
Plusieurs méthodes de suture cutanée existent. Elles donnent des résultats esthétiques différents :
- Les agrafes
- Les points séparés
- Le surjet intradermique
Avec les agrafes et les points séparés la peau est maintenue à espace régulier transversalement. Elle laisse une cicatrice " en échelle ". Avec le surjet intradermique le fil de suture chemine dans l'épaisseur de la peau sans être visible. Il donne les meilleurs résultats esthétiques et laisse une cicatrice linéaire.


- Facteurs influençant la cicatrice, indépendants de la chirurgie:

A- Chirurgie d'urgence ou programmée :
La chirurgie programmée prévue sur un genou préparé, non inflammatoire avec une peau saine donne de bons résultats esthétiques. En revanche si une intervention en urgence est nécessaire sur une peau tendue, ecchymotique, sur un genou présentant un important épanchement intra articulaire, inflammatoire, les résultats peuvent être différents.

B- Le poids :
Le surpoids augmente l'épaisseur du tissu adipeux. L'accessibilité du site opératoire est donc plus difficile et on y remédie en augmentant la taille de la cicatrice.

D- Facteurs de retard ou de mauvaise cicatrisation :
De nombreux facteurs favorisent les retards ou une mauvaise cicatrisation; ils sont parfois associés chez certains patients majorant les risques.
1- les infections:
La colonisation d'une plaie par des micro-organismes est habituelle. Si le taux de germes reste inférieur à 105 germes par gramme de tissu, le plus souvent, cette flore de surface n'entraîne pas de lésion infectieuse. Seul, le streptocoque ß hémolytique nécessite un nombre de germes moins important pour entraîner une infection (103 germes par gramme de tissu). Pourtant, une prolifération bactérienne excessive entraîne une lyse cellulaire et dégrade progressivement la matrice extracellulaire. Tout ceci contribue à retarder la cicatrisation.
2- La malnutrition :
Les carences en calories et en protéines ont des conséquences importantes. Elles altèrent l'ensemble des phases de la cicatrisation. Les différentes carences vitaminées peuvent entraîner une réponse inflammatoire inadaptée (déficit en vitamine A) ou une insuffisance de production de collagène par les fibroblastes (déficit en vitamine C).
3- le diabète.
Une glycémie normale est essentielle pour une cicatrisation normale. Le diabète perturbe les phases de cicatrisation.
4- les pathologies vasculaires :
Les patients présentant des pathologies vasculaires affectant les vaisseaux présentent une aptitude moindre à cicatriser. L'artérite en diminuant le flux sanguin artériel entraîne une hypoxie des membres inférieurs, responsable des difficultés cicatricielles rencontrées à ce niveau par les patients âgés ou fumeurs.
Dans l'insuffisance veineuse, les varices, les mécanismes sont plus complexes. Un ralentissement circulatoire avec hypoxie de stase s'associe à la formation de manchons fibrineux autour des capillaires qui altèrent la diffusion de l'oxygène.
5- le stress :
Le stress semble être un cofacteur capable de ralentir le processus de cicatrisation. L'explication physiopathologique repose sur une stimulation sympathique avec libération de substances vasoconstrictives.
6- les déficits immunitaires :
Les patients immunodéprimés (VIH, cancers, traitements immunosuppresseurs) présentent fréquemment des défauts de cicatrisation. La phase inflammatoire est souvent altérée chez ces patients, la possibilité de détersion des zones cicatricielles semble diminuée. Il en va de même pour la résistance aux infections.

7- les corticoïdes :
Les corticostéroïdes, retardent la cicatrisation. Cet effet semble être en rapport avec l'action anti-inflammatoire de ces substances qui inhibent la prolifération fibroblastique, la synthèse du collagène et l'épithélialisation. Les corticoïdes par administration locale inhibent la phase de bourgeonnement des plaies.

GAnomalies de cicatrisation :

Certains facteurs sont des obstacles à une cicatrisation normale, entraînant des retards de cicatrisation. Parfois la cicatrisation se fait de manière anarchique, ce sont les cicatrices " en excès " hypertrophiques ou chéloides.

Lorsque la cicatrice est anormalement boursouflée, on parle de cicatrice " hypertrophique " et de cicatrice " chéloïde ".

La phase hyperplasique initiale d'une cicatrice récente peut être pathologique par son intensité et/ou par sa durée, ce qui caractérise les cicatrices hypertrophiques et chéloïdiennes. Ces cicatrices sont très boursouflées et volumineuses, rouges, dures, et démangent beaucoup.
C'est l'évolution dans le temps qui permet de distinguer une cicatrice " hypertrophique ", qui s'améliore spontanément en 2 ou 3 ans, et une cicatrice " chéloïdienne " (ou " chéloïde "), qui n'a aucune tendance à l'amélioration spontanée et qui reste stable ou même s'aggrave avec le temps.

On ignore encore actuellement pourquoi surviennent ces cicatrices hypertrophiques et chéloïdiennes. Parmi les facteurs de risque connus qui favorisent leur survenue, il faut citer :

" Les ethnies noire ou jaune, qui sont beaucoup plus souvent atteintes que l'ethnie blanche
" L'âge jeune. Très fréquentes chez les enfants, les cicatrices hypertrophiques sont rares chez les personnes âgées.
" Certaines parties du corps : région du sternum, des épaules, cou, lobules d'oreilles (un simple percement de lobule pour boucles d'oreilles peut entraîner de très volumineuses cicatrices chéloïdes), partie inférieure du visage.


Le traitement des cicatrices hypertrophiques et chéloïdes n'est évidemment pas seulement chirurgical. Il nécessite parfois un avis dermatologique spécialisé. Puisqu'on ignore pourquoi la cicatrice hypertrophique est survenue, il n'y a aucune raison pour qu'elle ne récidive pas après une reprise chirurgicale simple de la cicatrice. La chirurgie peut certes diminuer le volume de la cicatrice lorsqu'il est trop important, mais il est alors nécessaire de la faire suivre aussi rapidement que possible par les 2 méthodes suivantes, qui peuvent souvent aussi être employées seules :

- Pressothérapie, réalisée grâce à des vêtements compressifs élastiques confectionnés sur mesure,
- Injections locales de corticoïdes,
- Parfois même exceptionnellement radiothérapie locale (curiethérapie) ou générale.


M Reprise chirurgicale d'une ancienne cicatrice :

Lorsqu'une cicatrice jugée inesthétique est reprise dans le but d'en améliorer l'aspect, le résultat final de l'intervention est aussi incertain. Même en l'absence de complications, il est malheureusement possible que la cicatrice finale soit aussi visible que la cicatrice initiale...

Même si le résultat de l'intervention n'a aucun rapport avec l'aspect esthétique final, la cicatrice reste la seule trace visible du travail effectué par le chirurgien. Techniquement bien réalisée, dans la majorité des cas la cicatrice s'atténue avec le temps laissant une trace fine linéaire dont la taille va dépendre de l'intervention pratiquée. Malheureusement l'aspect définitif est fonction de facteurs complexes dont le chirurgien ne contrôle qu'une partie, laissant une incertitude concernant le résultat esthétique.